Comment j'ai liquidé ma société pour monter une micro entreprise

Aujourd’hui, c’est un article un peu différent que je vous propose, car je souhaite vous parler d’un sujet en particulier.

C’est un sujet peu joyeux, mais qu’il me semble inévitable d’évoquer : La liquidation d’une entreprise

Tout d’abord, qu’est ce qu’une liquidation d’entreprise ?

Selon le petit Robert les synonymes sont faillite, dépôt de bilan, règlement judiciaire. Que des mots qui font peur !

Je me souviens même que lorsque l’on créé son entreprise les banques et autres institutions n’évoquent que très brièvement le sujet, et c’est surtout pour expliquer qu’en cas de dépôt de bilan la caution choisie lors de la création de la structure est importante.

Tout a commencé…

Il y a 3 ans, j’ai été contrainte à liquider ma première entreprise (je suis aujourd’hui en microentreprise) suite à un litige avec le bailleur de ma boutique. Lorsque le conflit a débuté début janvier, j’ai demandé conseil autour de moi sur les différentes options qui m’étaient offertes et tout le monde, sans exception, m’a orienté vers une liquidation.
Je me souviens très bien à ce moment-là de m’être indigné de l’aisance avec laquelle mes pairs me conseillaient cette solution si brutale.
Une liquidation ? Mais c’est renoncer à mon bébé, à tout ce que j’ai construit depuis ces 5 dernières années, c’est dire au revoir à toutes mes clientes, abandonner une partie de moi, de mon statut de commerçante. J’avais un travail pour lequel je donnais corps et âme, j’y avais laissé coulé mon couple et perdu mon appartement faute de salaire pour le payer. Je réalisais peu à peu que je devais me faire à l’idée que cet atelier, où j’avais passé quasiment toutes mes journées depuis 5 ans, ne serait plus à moi, que je n’y mettrais plus les pieds.

Lorsque l’on entreprend, on donne naissance à un projet. On y met souvent toute son énergie, on le connaît par cœur, on le voit grandir, on constate l’évolution et on combat tous les obstacles qui tentent de nous freiner. Abandonner son projet, pour une quelconque raison est souvent un déchirement, on se détache de tout notre quotidien, on perd une partie de soi-même.

Et même si au fond de moi, je savais que l’arrêt de ce projet n’était pas un échec, car j’avais appris beaucoup de choses durant cette période, je ne pouvais pas m’empêcher de songer que j’avais tout raté, que j’étais suis nulle, incapable de mener ma barque et d’aller jusqu’au bout. Je voyais les autres entrepreneurs autour de moi réussir, continuer leur aventure et moi, je tombais du haut de la montagne. Lâchement !

Pire ! Je risquais de redevenir salariée. Et ça, c’est un sentiment dont j’aimerais me confier, cependant avant de poursuivre, je tiens à préciser que je n’ai aucun mépris pour les salariés. Je ne valorise aucunement l’un ou l’autre statut, je veux juste partager mon ressenti.

En effet, lorsque l’on créée son entreprise et que l’on devient par extension un entrepreneur (surtout lorsque l’on commence tôt), on peut constater une certaine admiration de la part de nos amis, notre famille ou encore les différentes personnes que l’on rencontre en soirée.

Au fur et à mesure, l’idée de provoquer ce sentiment chez les autres est valorisant, cela devient même grisant et cela donne confiance en soi. Du moins, sans prétention aucune, c’est comme cela que je l’ai vécu. C’est pourquoi lorsque j’ai été contrainte d’arrêter mon activité, j’ai perdu ce sentiment de confiance, je me suis vu répondre à la fameuse question : “tu fais quoi dans la vie ?” : “oh ! Je fais ceci ou cela…” Sans enthousiasme, sans intérêt.

Je me suis vu devenir transparente, inintéressante, comme si j’avais été rétrogradée de mon poste, que je devais désormais passer par la porte de sortie et non celle des artistes.

Cela m’a travaillé durant plusieurs semaines, j’en pleurais la nuit, je savais aussi qu’il était inévitable que mon entreprise se clôture.

Aujourd’hui, je ne ressens plus du tout les événements de la même manière, sans aucun doute, car je suis en paix avec moi-même, j’ai appris à prendre confiance en moi, non pas à travers le regard des autres, mais en me convainquant que j’ai des qualités, des compétences et une expertise. C’est encore un long chemin, j’ai bien conscience que le travail n’est pas terminé et que le regard des autres prend encore trop de place dans mon propre jugement.

La joie de l’administration

Néanmoins, pour en revenir à la liquidation de ma société, j’ai dû accepter cette idée et lancer les démarches. Étonnement, j’ai eu la mauvaise surprise de constater que lorsque l’on créée son entreprise, on dispose parfois, et cela a été mon cas, de beaucoup de soutien de la part de ses proches ou de ses mentors, et que lors d’une liquidation l’intérêt est bien différent.

Je ne parlerais pas ici de ma famille et de mes amis proches qui ont été exemplaires aussi bien dans l’écoute, la compréhension que le suivi des événements. Non, je souhaite mettre l’accent sur les entrepreneurs de mon entourage qui, malgré leur bienveillance certaine, n’ont pas réalisé à quel point une liquidation peut être un passage difficile.

À l’inverse de la création d’une entreprise où chaque étape est une validation, une excitation, la liquidation est douloureuse. Il y a les convocations chez le liquidateur, les aller-retour au tribunal de commerce pour déposer des papiers, les demandes de justifications de liquidation, le coût des démarches (rarement évoqué d’ailleurs).

Autant vous dire que lorsque l’on stoppe son activité le moral est déjà au plus bas, il faut penser à tout en même temps et essayer de se projeter sur son propre avenir. Par ailleurs, la nouvelle de l’arrêt de mon activité apparaissant au mois de janvier, juste après Noël, j’ai dû dédommager tous les clients ayant payés pour des cartes-cadeaux à Noel, or dès le début des démarches votre compte bancaire ne vous appartient plus, vous ne pouvez donc plus rembourser les clients. J’ai ainsi dû donner mes cours de couture à gogo du lundi au dimanche.

Je me souviens de plusieurs soirs où j’étais dévastée de devoir assumer le regard des clientes qui ne pouvaient se déplacer aussi souvent en si peu de temps et qui me reprochaient cette organisation.

J’avais la sensation de subir la double peine, j’arrêtais contre mon gré ce qui m’épanouissait et cette décision m’amenait à être jugée par mes clientes.

De plus, je devais garder le sourire pour le bien-être des personnes qui recevait le cours. C’était si contradictoire, je me sentais en conflit avec moi-même, avec la terre entière de devoir m’excuser auprès des clientes pour une décision qui m’avait été imposée.

La nouvelle de l’arrêt de mon activité est arrivée le 10 janvier 2019 et je suis passée en jugement le 5 mars 2019. Durant toute cette période, j’ai enchaîné les cours, les allers-retours administratifs et les dossiers.

Une fois, le dossier complet, je reçois donc la convocation au tribunal où sera jugé la validation ou non de cette liquidation. C’est le seul moment où vous pouvez expliquer votre problématique et vous entretenir avec une assemblée qui essayera de déterminer si vous êtes tenu ou non plus responsable. A ce stade, la demande de liquidation est en attente et peu aboutir sur d’autres finalités comme une mise sous tutelle.

Évidemment, c’est déroutant de savoir que tous les états d'âmes passés ne mèneront peut-être qu’à une mise sous tutelle de votre activité. C’est-à-dire que vous devrez continuer votre projet sans avoir accès à vos comptes bancaires, en justifiant vos actions et vos achats. C’est encore plus difficile dans le sens où durant ces deux mois, la raison a fait son travail et les portes de sortie favorables commencent à émerger dans un coin de votre tête. Vous commencez à y trouver du positif, à imaginer tout ce que vous pourriez de nouveau accomplir.

Je me revois encore me présenter, seule devant le juge et toute sa clique. Ils m’ont posé un tas de questions, j’étais si stressée et impressionnée que je peinais à m’exprimer correctement. Je tentais tant bien que mal de cacher mon stress, mais je pense bien avoir échoué. Par chance, l’entretien fut très rapide, après quelques échanges, on expliqua que je serais contactée par un commissaire aux comptes pour faire l’état des lieux de mon atelier et récupérer tout ce qu’il peut pour rembourser les prêts en cours.

En sortant, je me suis sentie soulagée d’avoir passé l’épreuve, mais je me suis rendu compte qu’une longue année m’attend. En effet, suite à cette entrevue, toute mon activité antérieure sera analysée et je recevrais dans un an pile-poil la décision de jugement à savoir si je suis responsable ou non. Ce qui implique dans un cas que la somme totale des prêts non remboursés sera à ma charge au lieu de partielle.

De plus, cet entretien marque la fin définitive de ma boutique puisqu’une fois le liquidateur passé, je dois lui remettre les clés et quitter l’établissement.

La fin d’une tranche de vie

En écrivant ces lignes, je me revois dans les derniers instants dans mon atelier, à le regarder, me souvenir de tous les moments passés dedans, me dire que ces objets, ces machines vont être vendus aux enchères à des prix dérisoires alors que je leur attache une valeur sentimentale immense.

Ce lieu, dans lequel j’ai fêté, pleuré mes joies et mes peines, que j’ai entièrement remis à neuf à mes frais et à la sueur de mon front, je dois le quitter pour ne plus jamais rentrer dedans par la porte des artistes.

Je me rappelle m’être sentie vide et soulagée à la fois. Ces derniers mois pesaient sur mon moral. Aujourd’hui, j’étais libre de tout mouvement, le plus dur était passé.

Néanmoins, je sentais toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, je risquais de m’endetter si la décision de tribunal ne m’était pas favorable. Par chance, un an plus tard, j’ai eu la bonne nouvelle de découvrir que la liquidation était close, que je n’étais en aucun cas responsable de cette perte (je n’en doutais pas, mais difficile de savoir ce que la justice va statuer.) J’ai pu rembourser tous mes prêts en trouvant un poste de vendeuse de chaussure et j’ai remonté une partie de mon activité en micro-entreprise, une solution bien moins contraignante.

Le message

Si j’écris ses lignes, c’est pour que l’on prenne conscience qu’une liquidation de société, qu’elle soit désirée ou non est un moment plus que difficile dans la vie d’un entrepreneur. Car même pour celui qui la désire et l’attend avec impatience, la lenteur de l’administratif et de la prise de décision est douloureuse.

Si vous êtes amené à accompagner une personne dans cette situation, je vous invite à lui témoigner autant de bienveillance que vous le pouvez et surtout beaucoup d’écoute.

Cette partie de la vie entrepreneuriale est un challenge aussi bien moral que physique qui ne doit pas être minimisé.











Merci pour votre lecture…